Rik Verbrugghe : "Le Tour 2018 est une occasion unique pour Nibali"
Rik Verbrugghe revient sur la saison passée avant d’évoquer le futur.
- Publié le 01-12-2017 à 13h49
- Mis à jour le 01-12-2017 à 13h52
Rik Verbrugghe revient sur la saison passée avant d’évoquer le futur. Avant d’entrer totalement dans son costume de manager et directeur sportif de Bahrain-Merida, Rik Verbrugghe s’est glissé une dernière fois dans sa tunique de consultant de La DH.
Quel regard portez-vous sur la saison des Belges ?
"Ce fut une réussite, la Belgique finit d’ailleurs en tête du classement mondial. Philippe Gilbert a gagné le Tour des Flandres et l’Amstel et Greg Van Avermaet a remporté quatre courses World Tour et il termine n°1 mondial. À côté d’eux, il y a eu encore des coureurs comme Tim Wellens, qui gagne ses courses, même s’il passe parfois à côté de ses objectifs, ou Oliver Naesen, qui pourrait être encore plus récompensé. Ces deux-là, je les attends l’an prochain avec les tout meilleurs. J’ai trouvé que Tiesj Benoot avait été une vraie révélation sur le Dauphiné et le Tour. Ajoutez-y Jasper Stuyven, Dylan Teuns, Edward Theuns, Yves Lampaert… "
Le succès de Van Avermaet à Roubaix va-t-il le libérer ?
"Confirmer n’est jamais évident, mais il le fait année après année. Je le vois encore trois ans à ce niveau. Je ne dis pas qu’il va rester n°1 mondial, mais il sera présent dans ses courses. Je lui donne jusqu’à 2020 pour gagner le Tour des Flandres par exemple. Je suis optimiste pour le printemps prochain. Greg a fait une longue coupure qui va lui faire du bien. Avec la fracture dont il avait souffert, en début de cette année, il manquait d’entraînement spécifique, cette fois, ce ne sera pas le cas."
Le printemps de Gilbert aussi vous a plu.
"J’ai aimé, dans la manière de courir de Philippe, le fait qu’il soit offensif. Il est capable de faire exploser la course, de déstabiliser ses adversaires. D’un autre côté, quand il attaque, à 80 km de l’arrivée du Ronde, les Quick Step étaient quatre sur quinze, je pense. Il a pris un gros risque, à double tranchant. Il gagne avec la manière, c’est formidable. S’il est repris, les Quick Step, qui étaient en position de force jusqu’à son offensive, ne sont plus là… Mais j’aime ce genre de décision, c’est tout ou rien. Sagan et Van Avermaet courent aussi comme ça, même s’ils peuvent rester plus défensifs en jouant sur leur sprint."
Il y a des jeunes qui arrivent.
"Dylan Teuns a fini 3e de la Flèche wallonne mais a confirmé ensuite avec de très gros résultats. C’est un puncheur qui pourra aussi briller dans les courses à étapes d’une semaine, même Paris-Nice ou le Dauphiné. Par contre, pour les grands tours, ce sera dur car il a un tempérament trop offensif. Pour briller aujourd’hui dans les tours de trois semaines, il faut suivre, suivre, suivre et, malheureusement, attaquer le moins possible. Ce que je regrette. Il faut voir la liberté que la direction sportive de BMC lui donnera, mais sur une saison, il y a la place de lui offrir sa chance. La même chose vaut pour Laurens De Plus, qui est aussi à la porte de réussir quelque chose. Lui aussi est offensif. Et puis, je suis curieux de voir les deux jeunes qui passent pros chez Lotto, Bjorg Lambrecht et Harm Vanhoucke. Ils ont vraiment les qualités pour réussir."
Vous allez travailler avec Nibali. Il sera au Giro et/ou au Tour ?
"On pousse pour qu’il dispute le Tour. Mais, c’est difficile pour un Italien de ne pas courir le Giro , d’autant qu’il passe en Sicile. Tout sera mis sur la table, mais, à la fin, c’est lui qui décidera. Nibali doit avoir trois grands objectifs en 2018 : Liège-Bastogne-Liège, le Giro ou le Tour et le Mondial à Innsbruck, taillé pour lui."
Pourquoi le Tour ?
"La présence de Froome au Giro , ça laisse la porte plus ouverte pour le Tour. Pour moi, Dumoulin sera le candidat n°1 au Tour. Il en a le niveau et, en général, le parcours en France lui est plus favorable qu’en Italie. Froome va se retrouver avec un coureur ayant les mêmes caractéristiques que lui, capable de le battre dans les chronos. Ce duel, un Nibali peut l’arbitrer et en tirer profit, car, comme Contador l’était, c’est un des rares à pouvoir faire exploser une équipe. Je le pensais avant même d’être contacté par Bahrain. Le Tour 2018, c’est une occasion unique pour Nibali. La première semaine, notamment avec l’étape des pavés, va lui convenir, comme à Dumoulin, qui est puissant. Le tracé général de la prochaine édition est bien pour lui. Il n’y a pas trop de chrono, de la montagne, des étapes piégeuses, or, c’est un coureur qui prend des initiatives, qui ose. On sent qu’on arrive à une charnière. Froome a gagné le Tour, mais sans être dominateur comme avant. Il n’avait pas la concurrence du Dumoulin du Giro. Mais le Britannique était peut-être un petit cran en moins cette année et l’an prochain, il peut retrouver son ancien niveau et il n’y aura pas photo… Ensuite, n’oublions pas Bardet, Landa, Quintana…"
Des équipes de huit coureurs, qu’est-ce que ça va changer ?
"Ce n’est pas une mauvaise chose, mais je ne crois pas que cela va changer énormément. Sky sera capable de contrôler le Tour à huit, comme à neuf."
L'avenir : Le choix de Bahrain
Ce n’est pas un secret, Rik Verbrugghe était candidat à devenir manager général chez Lotto-Soudal et finalement, il ira chez Bahrain-Merida. "Oui, j’ai longtemps espéré que ce serait Lotto, dit le Liégeois. Mais je comprends leur stratégie de management. Je pense qu’ils ont hésité entre deux choix et, en prenant Paul De Geyter, ils ont opté pour un manager administratif plutôt que sportif. Après, ils sont revenus vers moi pour cet aspect, mais ils m’avaient fait poireauter un an et j’avais reçu une belle proposition de Bahrain. C’était important de revenir dans le vélo l’an prochain. Je n’avais pas peur de ne rien trouver, car j’avais eu plusieurs propositions d’équipes procontinentales et continentales, mais là, c’était le WorldTour. J’avais goûté pendant deux ans chez IAM à la direction sportive d’une équipe du WorldTour."
Verbrugghe définit le rôle qu’il aura dans la formation. "Chez Bahrain, on me fait confiance, ce sera en partie comparable à ce que je faisais chez IAM Cycling. Avec, aussi, un aspect de directeur sportif, ce qui ne me déplaît pas car j’aime le terrain, être dans la voiture, sur les courses… C’est la combinaison des deux qui me plaît. Je suis sûr qu’il n’y aura aucun problème d’adaptation. C’est une équipe avec le cœur italien, mais une mentalité internationale à l’image de son manager, Brent Copelant. Les autres directeurs sportifs, ce sont Tristan Hoffman, Alberto Volpi, Harald Morscher… Comme dans la plupart des équipes, ce n’est pas une seule personne, mais le staff sportif dans son ensemble qui décide. Et le coureur, surtout si c’est un leader."
Chez Bahrain : "Colbrelli est un très bon"
Chez Bahrain-Merida, le leader incontesté, c’est donc Vincenzo Nibali, mais Rik Verbrugghe va évidemment travailler avec tous les coureurs. "J’en connais la plupart évidemment, à commencer par Nibali, mais il y en a bien sûr, sept ou huit sans doute, avec lesquels je n’ai encore jamais parlé, comme ça avait été le cas à mon arrivée chez IAM, explique le Wallon. Cela se fera très vite. Nous partons en stage du 7 au 18 décembre, en Croatie, sur l’île de Hvar. Je retrouve Heinrich Haussler, qui était chez IAM. Dans les pelotons, on côtoie beaucoup de coureurs. Jon Izaguirre, par exemple, c’est quelqu’un avec qui j’ai des contacts réguliers depuis longtemps, au départ d’une course, dans un aéroport, quand on se retrouve dans le même hôtel. J’aime sa manière de courir, on se parlait déjà souvent auparavant."
Parmi les six transferts de sa nouvelle formation, Rik Verbrugghe pointe trois coureurs. "Gorka, le frère Izaguirre, Matej Mohoric ou Domenico Pozzovivo, dit-il. Si Nibali va au Tour, Pozzovivo sera un coureur important pour nous au Giro."
Il attend aussi énormément d’un coureur déjà présent dans la formation. " Colbrelli est un très bon coureur. En 2017, il a découvert le WorldTour. Il voulait goûter à tout, il a couru trop sauvagement et trop. On va lui concocter un programme sur mesure et il sera, je pense, une bonne surprise. Sonny a les mêmes caractéristiques que Van Avermaet ou Gilbert, il est très rapide, très explosif. Il a fait Top 10 au Tour des Flandres…"
Les récompenses : "Greg mérite tous ces prix"
Mercredi prochain sera décerné le Vélo de cristal, qui récompense le meilleur coureur belge de la saison écoulée. "Je trouve que Greg Van Avermaet mérite ce prix et d’autres comme le Flandrien qu’il a déjà obtenu", assure l’ancien vainqueur de la Flèche wallonne. "Ce qui devrait faire la différence (avec Gilbert), c’est qu’il est no 1 mondial. S’il avait fini 2e ou 3e, on aurait pu discuter, mais là, je ne trouve pas."
Le Flandrien pourrait éprouver plus de problèmes à conserver son titre de Sportif belge de l’année. "Pour moi, ça va se jouer entre Greg et David Goffin", assure-t-il, alors que, pendant l’entretien, tombait l’annonce de la désignation du tennisman liégeois comme lauréat du Trophée du Mérite sportif 2017, après un sprint serré avec le médaillé d’or de Rio et la basketteuse Ann Wauters. "Après, je ne sais pas comment les anciens vainqueurs et les journalistes sportifs (NdlR : qui forment le jury de ce prix attribué le samedi 16 décembre) vont voter. Il y a l’affect qui entre en ligne de compte, l’émotion, la proximité des résultats. Ceux de Van Avermaet sont déjà anciens, ceux de Goffin nettement plus récents. Ce qui peut jouer aussi en leur désavantage, à Greg et à Kevin De Bruyne (NdlR : le Diable Rouge est le troisième homme en lice pour la victoire),c’est qu’ils ont déjà été couronnés tous les deux. Mais si on respecte la logique, d’autant qu’on peut comparer plus facilement le tennis et le cyclisme, moins le football, Greg Van Avermaet est no 1 mondial, David Goffin no 7…"